Le continent africain est victime chaque année d’une perte fiscale s’élevant à 23 242 133 255 de dollars américains, soit la bagatelle somme de 12 783 173 290 250 F CFA. C’est ce qui ressort du rapport « Justice fiscale : état des lieux 2020 – La justice fiscale à l’ère du COVID-19 », produit par un conglomérat de trois ONG.
Le rapport publié en novembre 2020 révèle que les abus fiscaux commis par des personnes physiques et personnes morales, font perdre chaque année aux Etats plus de 427 milliards de dollars américains en recettes fiscales. Sur ces 427 milliards perdus, environ 245 milliards correspondent à des bénéfices transférés dans des paradis fiscaux par de grandes sociétés transnationales afin d’alléger le montant des bénéfices déclarés dans les pays où elles exercent des activités. Ce qui leur permet ainsi de payer moins d’impôts que ce qu’elles devraient s’acquitter normalement. Les 182 milliards de dollars de pertes restants résultent de l’action d’individus fortunés qui cachent des biens et des revenus non déclarés à l’étranger notamment dans des paradis fiscaux, hors de portée de l’application de la loi. Les Etats africains sont lourdement touchés par ce hold up financier international. Ainsi, selon l’étude, 23 242 133 255$, soit la bagatelle somme de 12 783 173 290 250 F CFA. L’Afrique du Sud semble être la plus touchée parmi tous les Etats africains avec un montant de 2 708 824 608 $. Le Burkina Faso enregistre une perte de recettes fiscales de 2 878 337 $ chaque année. Soit un montant de plus 1,5 milliard de F CFA. Mettant ces pertes en rapport avec le financement du secteur de la santé, le rapport signale une inquiétude : « les pays ayant le plus besoin de recettes fiscales supplémentaires pour investir dans la santé publique sont précisément ceux qui subissent les plus lourdes pertes liées aux abus fiscaux internationaux ».Ainsi, le rapport a estimé que l’équivalent de plus de 34 millions de salaires annuels d’infirmiers disparaissent chaque année dans des paradis fiscaux. Par ailleurs, il est constaté que les pertes fiscales ont été plus considérables en chiffres absolus dans les pays à revenu élevé, mais pèsent plus lourd par rapport aux assiettes fiscales et aux dépenses de santé publiques dans les pays à faible revenu comme les pays africains. Alors que ces pays ont énormément besoin de plus de recettes fiscales pour rendre plus performant leur service sanitaire. Par conséquent, chaque année, les effets des abus fiscaux internationaux sur le secteur de la santé sont plus marqués dans ces pays à faible revenu que dans les pays à revenu élevé.
Par ailleurs, l’étude indique avec force un point crucial qui est l’une des principales causes de cette évasion fiscale massive. En effet, ils pensent que les systèmes fiscaux « de la plupart, sinon de la totalité des pays du monde ont été programmés pour faire primer les intérêts des sociétés et individus les plus fortunés, sans frontière géographique, sur les besoins de l’ensemble de la société ». Ils ajoutent que dans des cas plus extrêmes, les systèmes fiscaux nationaux ont été « paramétrés afin de faciliter considérablement l’abus fiscal parmi les plus aisés ».
Aux fins de contrer ce fléau, les organisations auteures du rapport martèlent qu’il est impérieux de « reprendre le contrôle d’un système programmé pour privilégier les plus fortunés » et y introduire des règles et des politiques qui donnent aux gouvernements des moyens efficaces de taxer directement les sociétés multinationales et les individus fortunés. Ils pensent également que l’approche unitaire de l’imposition, préconisée depuis longtemps par le mouvement pour la justice fiscale, peut changer la donne. En effet, ce mécanisme fait en sorte que les pays où les multinationales payent des impôts correspondent à ceux où elles emploient des travailleurs et réalisent des ventes, et « non ceux où elles créent des boîtes aux lettres ou des boîtes à brevets ».
Rappelons que les ONG auteures de ce rapport sont : d’abord l’Alliance Globale pour la Justice Fiscale qui est un mouvement regroupant des organisations de la société civile et d’activistes, unis dans une campagne pour une plus grande transparence, une supervision démocratique et une redistribution de la richesse dans les systèmes fiscaux nationaux et mondiaux. Ensuite Public Services International (L’internationale des services publics) qui est une fédération syndicale internationale de plus de 700 syndicats représentant 30 millions de travailleurs dans 154 pays. Cette structure défend les droits des syndicats et des travailleurs et lutte pour l’accès universel à des services publics de qualité. Enfin, le Taxe Justice Network [Réseau pour la justice fiscale] qui croit qu’un monde juste, où chacun a la possibilité de mener une vie significative et satisfaisante, ne peut être bâti que sur un code fiscal équitable, où chacun fait sa juste part pour le mieux-être de tous les membres de la société.