SECTEUR DE LA SANTE
Inutile de vouloir cacher la honte !
Depuis quelques jours, une vidéo filmée dans une salle d’opération au CHU-Yalgado Ouédraogo suscite une réaction de réprobation au sein de l’opinion. Et, comme il fallait s’y attendre cette réprobation ne porte pas le même maillot pour tout le monde. En effet, pour le citoyen lambda et l’opinion publique burkinabè, les difficiles conditions de travail des praticiens de santé sont inacceptables. Les images sont parlantes : en pleine séance d’intervention chirurgicale, les agents de santé avaient des difficultés à allumer la lampe scialytique, avec toutes les conséquences dramatiques pour le patient, que cela induit. Et pour le Burkinabè, c’est de l’incompréhension totale de voir un tel délabrement du matériel médical.
Du côté des représentants de l’Etat, la réprobation revêt un autre sens. En fait, à regarder de près, ce n’est pas la fonctionnalité du matériel d’intervention, notamment la lampe scialytique, qui provoque le courroux. Mais plutôt, le fait que la vidéo se soit retrouvée sur les réseaux. Alors, on invoque des textes, et cela se comprend, pour demander des explications et un rapport circonstancié à ceux qui cette « honte » a été partagée sur la toile, faisant le tour du monde. De façon visible, la population et leurs autorités n’ont pas la même analyse, ni la même compréhension de ce court-métrage dramatique tourné dans un hôpital. Pendant que les uns s’indignent de la qualité des soins, les autres se fâchent en réalité parce que leur image est ternie.
Non ! Il faut arrêter de vouloir cacher cette « honte » qui nous tombe dessus du fait d’une vidéo qui, dans le fond, met en lumière l’état exécrable de notre santé. Nous sommes dans un pays où même les hôpitaux de référence regorgent de ces images insoutenables de honte. D’ailleurs, du CHU-Yalgado à Ouagadougou à Sourou Sanou de Bobo-Dioulasso en passant par les autres hôpitaux de référence, les patients et leurs proches et la population se plaignent, s’indignent, se désolent, souffrent le calvaire,…parce que les services et le matériel de soin ne sont pas ceux auxquels ils rêvent pour leurs malades. Les acteurs doivent aussi avoir le courage de le reconnaitre, le court-métrage de Yalgado est l’illustration d’un système de santé en panne et qui a besoin de se régénérer. En fait, dans le fond, les pouvoirs et les acteurs de la santé ont longtemps préféré faire dans le saupoudrage et la complaisance quant à la gouvernance dans le domaine de la santé. Conséquence, les limites objectives en matière d’offre de santé publique ont engendré le développement d’un business extrêmement lucratif dans le privé.
Faut-il le dire, nous sommes en face d’un sabotage du système de santé public au profit d’un système de santé affairiste. Ainsi, pour bénéficier de toutes les commodités de prise en charge, le patient Burkinabè est obligé de se rendre dans les cliniques privées, fondées et gérées, en bonne partie, par des acteurs intervenant dans les hôpitaux publics. Le problème, la clinique n’est pas faite pour l’enfant de Goama. Elle l’est pour la bourgeoisie.
En définitive, nous avons provoqué une honte qui nous tombe à la figure. Cette honte, c’était délabré et dramatique de notre système de santé. Inutile, encore une fois, de chercher à la cacher.
Adama Guébré