Les Burkinabè étaient appelés aux urnes le 22 novembre 2020 pour élire le président du Faso et les députés. Une élection qui s’est tenue à bonne date malgré l’inquiétude sécuritaire. En dépit de tout, les candidats, les électeurs et électrices y compris les observateurs ont relevé de multiples insuffisances dans le vote du 22 novembre. Quelques jours après le chroniqueur de Libreinfo.net ,Kalifara Séré fait le décryptage du processus électoral dans cet entretien. Kalifara Séré est un administrateur civil, ancien Secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.
Propos recueillis par Albert Nagreogo
Libreinfo.net : Le dimanche 22 novembre a constitué un temps fort de notre démocratie. Quelle analyse à chaud pouvez-vous proposer à nos lecteurs ? Comment évaluez-vous le degré de transparence ou de non transparence de cette élection ?
Kalifara Séré: Je me gausse de certaines analyses simplistes qui justifient doctement que tel parti ou tel candidat aurait du faire ci ou ça, les populations ont privilégié les services sociaux plutôt que la sécurité et blablabla.
En vérité, il convient juste de retenir que la peur de perdre le pouvoir et les privilèges a décuplé la force et la détermination des tenants du pouvoir. Rappelons que ces tenants vivent sous les lambris de l’Etat depuis au moins 30 ans et l’insurrection leur a permis d’accéder à la dernière marche de l’Etat. Ils ont mis en place un sous-système Compaoré totalement affilié au système de base. Or le système Compaoré n’a jamais considéré l’échéance électorale comme une saine compétition éthique et sportive, mais plutôt comme une obligation universelle formelle à évacuer au plus tout par tous les moyens. Ainsi Blaise Compaoré n’a jamais aucun complexe à s’aligner sur la ligne de départ du marathon électoral en motocyclette (tandis que les autres concurrents menaient la course à pied !).
De façon instinctive, le MPP et ses alliés ont redouté une mauvaise surprise ; vous avez tous alors été témoins de la débauche d’énergie même chez des gens qui habituellement ne connaissent comme effort que l’exercice de tremper les lèvres dans un verre de whisky ou une flute de champagne. L’usage excessif de ressources financières (tirées bien sur des entrailles de l’Etat vache à lait) n’est pas non plus antinomique du système Compaoré.
La répartition quasi jouissive des bienfaits du pouvoir n’est pas non plus inédite. Le MPP a été juste et équitable avec l’APMP, maintenant chacun dans la proportion qui était la sienne avant l’alliance ce qui permettrait de se dire au moment opportun de se dire adios sans trop d’acrimonie. Ainsi, un parti tel que l’UNIR/PS a pour la première fois de son histoire bénéficié des largesses du système Compaoré. Les temps prochains nous révélerons l’impact de cette manne sur la trajectoire des uns et des autres. Notez également qu’aujourd’hui comme hier, le système Compaoré sait s’énerver contre ses alliés impudents. Ainsi, Laurent Bado, en dépit des largesses à lui offertes et le quasi affermage du ministère de la Culture, a continué à les brocarder comme des hyènes errantes. Voilà, il a donc été sanctionné pour son inélégance ! C’est un peu différent en ce qui concerne l’ODT de Anatole Bonkoungou dont l’impact sur l’arrondissement 4 entravait les ambitions connexes connues.
Je schématise quelque peu à dessein, mais c’est cela la stricte réalité! Pour être un peu plus complet, il faut préciser que si Roch et Blaise ont pu être Chefs d’Etat, il n’y a pas de raison que Simon Compaoré ne puisse pas l’être ! N’étant pas tout à fait sûr de la fidélité de l’appareil MPP en 2025 (il y compte même certains ennemis qui ne se cachent pas !), il se ménage patiemment sa monture NTD (accompagné par une seconde monture dénommée MBF).
Au total ces élections sont une belle partition pour le MPP et l’APMP. Les esprits primitifs sont aux anges et dissimulent à peine leur satisfaction jouissive. Malheureusement, la démocratie tropicale a ceci de spécifique que c’est souvent en pleine session pré-éjaculatoire, que ce produit le coït interrompu involontaire.
Libreinfo.net : Qu’en est-il exactement des fraudes selon vous ?
Kalifara Séré : Beaucoup pensent qu’il y a eu des fraudes ou autres inconformités et infirmités. Moi j’affirme que pour qu’il y ait fraude il faut une prise de risque au-dessus de la moyenne prudentielle, un effort d’inventivité, d’observations rigoureuses de contre- indications légales et réglementaires. En ce qui concerne nos présentes élections, tout le cadre référentiel a volé en éclat pour assurer une commodité ambiante à ceux qui avaient envie de remplir les urnes, traficoter les feuilles de PV, déchiqueter les enveloppes non scellées à la cire etc . Vraiment c’était ludique de constater que pendant que certaines urnes effectuaient leur voyage en avion ou en hélico militaire, d’autres urnes moins chanceuses étaient transportées à motocyclette et sans escorte telles de vulgaires casiers de vente de gâteaux !
Vraiment, à moins que j’aie été bluffé, je n’ai pas constaté de fraudes qui présupposent une intelligence au-dessus de la moyenne (par exemple un hacking électoral par le moyen de savants algorithmes électoraux). Il y a longtemps que bourrer les urnes ou altérer les PV ne constituent pas de fraudes au Faso.
Peut-on dire que des usagers ont « brulé le feu » à une intersection où les feux de signalisation sont éteints ? Dans ce cas de figure, il est loisible à tous de traverser à convenance et au rythme que permet la monture. Ainsi, pour transposer cette image de la circulation routière à nos élections, ceux des candidats, des partis et formations politiques en compétition qui avaient le maximum d’arguments ont pu prendre le contrôle de la votation. En l’occurrence, les arguments auxquels je fais allusion sont aux antipodes des arguments relevant de la programmatique politique ; bien au contraire, moins on était armé sur le plan du programme politique et plus on avait de chance de charmer « l’électeur burkinabè » par des arguments plus bassement pécuniaires.
Mon opinion définitive est que la mascarade électorale est comme le mascara qu’utilisent les femmes sur leur visage : son excès entraine un dégoulinage et dévoile une laideur accrue !
Les observateurs les plus lucides de la scène politique burkinabè l’ont vite compris et la nuit du 22 novembre et la journée du 23 novembre auront été marquées par un incroyable chassé-croisé entre les opposants-grands perdants et un groupe composite d’observateurs-experts devenus missi dominici de la « communauté internationale ».
Derrière les communiqués policés de circonstance, la communauté internationale via la CEDEAO, l’Union Africaine et l’Union Européenne ont vite tiré la sonnette d’alarme. La désorganisation à échelle glaçante de cette consultation électorale pourrait être le terreau d’une instabilité politique aux conséquences incertaines. La France aurait manifesté son opposition à l’ouverture d’un autre champ de putsch militaire après le Mali en mettant en exergue l’impérieuse nécessité d’un sursaut anti-terroriste.
Pendant que les larbins et sous larbins du système pavoisaient devant une victoire aussi éclatante, se jouaient en coulisse l’une des négociations politiques les plus ardues que le Burkina a jamais connu.
En fait, il faut comprendre que le Burkina, sans un arrangement à l’africaine, ne saurait éviter un chaos programmable dans le court ou moyen terme. Les béances multiformes de la pagaille estampillée CENI mettent le pays dans un grave dilemme. Une annulation pure et simple du scrutin pour cause de faillite organisationnelle n’est pas envisageable au regard des coûts et de l’état de décomposition de la CENI. C’est dans une telle configuration que IBK a scellé son sort.
Ainsi, dans la nuit même du 22 novembre, les coaches politiques habituels (chefs coutumiers et prélats des différentes confessions) ont été mis à contribution avec un mandat impératif par obligation de résultats. La saisine du Conseil constitutionnel n’est envisagée que comme une simple formalité subsidiaire ; l’essentiel étant l’engagement de l’opposition à accepter les résultats et à s’impliquer aux côtés de Roch Kaboré.
Les larmes aux yeux pour certains, les dirigeants de l’opposition, ont conclu avec le pouvoir via une armée de négociateurs catastrophistes un modus vivendi et un gentleman agreement. Ces instruments survivront-ils après le départ des représentants de la communauté internationale ? Les négociateurs nationaux auront-ils assez de vista pour pacifier les cœurs et les esprits ? L’octroi de postes de première importance (Premier ministre- Ministre d’Etat etc) suffiront-t-ils à crédibiliser le nouveau paysage politique burkinabè ? Cette cohabitation de format moutamouta bonifiera-t-il le magistère de Roch Kaboré en lui apportant la vision et l’audace qui ont tant manqué durant le premier mandat ?
En guise d’enseignements, il convient de rappeler trois déterminants :
Primo : il convient de renvoyer les partis politiques de l’opposition à leurs chères études. L’absence quasi-totale de backstopping dans les bureaux de vote et ce de façon régulière depuis 1992 est un véritable handicap. Comment comprendre que en 2020 plus de 3 500 (sur un total de plus 20 000 bureaux de vote contre 4150 quand il y avait 12 000 bureaux de vote) n’aient aucune représentation de l’opposition, que des délégués de bureaux de vote, affamés, finissent par manger les restes de ceux du pouvoir ? Ces zones de non backstopping sont des paradis pour les partis au pouvoir. L’argument financier cède ici le pas à la négligence.
Secundo : deux institutions clés de la démocratie burkinabè semblent avoir renoncé à leur mission : il y a d’abord et surtout la CENI qui bien que n’étant manifestement pas prête a engagé la classe politique sur une voie périlleuse non seulement or la paix sociale mais aussi pour les maigres ressources de notre pays. L’édition 2020 devrait logiquement refermer le scénario CENI car non seulement la formule n’a pas prospéré sur le plan organisationnel, mais elle a été un véritable tonneau des Danaïdes pour nos finances publiques. Par ailleurs, les élections couplées de 2025 sous format CENI apparaissent rédhibitoire avec un besoin de financement qui serait de l’ordre de 125 milliards.
En second lieu il y a l’ASCE/LC dont le périmètre de contrôle a connu une extension substantielle pendant la transition. Malheureusement cette institution ne parvient pas à justifier sa position faitière sur la lutte contre la corruption en général, la corruption et la pollution électorale invasive en particulier.
Tertio : L’itinéraire de la démocratie burkinabè est fort préoccupant. Le maitre d’ouvrage actuel Roch Kaboré devrait se surpasser, voire se reformater s’il tient à remplir jusqu’à terme son deuxième mandat. Je l’avais déjà exprimé dans vos colonnes(Libre info) en 2019 : le plus important aujourd’hui c’est un Conseil de sauvegarde de la Nation à l’image de la coalition entre CHURCHILL et son opposition pour faire face à la guerre en 1940. Après avoir tergiversé, l’on est en train de s’acheminer vers cette coalition. Les calculs politiciens de conservation du pouvoir apparaissent puérils face aux vrais défis actuels du pays. Si le Président Kaboré s’emploie dorénavant à faire la guerre, il sera célébré. Dans le cas contraire, il sera perdu.
Quatro : Pour avancer, il faut s’inspirer des autres. Je suggère à la démocratie burkinabè de regarder vers le Ghana, vers l’Afrique australe et vers l’Amérique latine qui, tous, avaient les mêmes problèmes électoraux et de démocratie représentative que nous il y a deux décennies.
Trois choses essentielles ont pu les mettre sur une trajectoire porteuse au bénéfice de leur développement :
-une lutte populaire généralisée contre la corruption et l’érection de la corruption au rang de mal absolu ;
-la réduction du nombre d’acteurs politiques au niveau central passant via une sélection consensuelle par la réduction des appareils de conquêtes du pouvoir ;
-la mise en place d’une véritable décentralisation susceptible de capturer le trop plein d’acteurs au niveau central et faire émerger de nouvelles énergies de recours en cas de danger.
Libreinfo.net : Vous semblez être très déçu de la CENI. Quels sont vos principaux griefs?
Kalifara Séré: Je ne suis absolument pas déçu de la CENI. Je suis simplement édifié par la CENI car de l’origine de cette institution à nos jours je n’ai jamais considéré que cette organisation était une innovation et une solution viables, fiables et durables. Je me place au-delà du factuel que constitue le 22 novembre 2020 pour vous révéler qu’à partir de 2004, les croissances et excroissances de la CENI commençaient à révéler un monstre en gestation. Moussa Michel Tapsoba du GERDES (paix à son âme) est celui qui avait révélé les risques inhérents la CENI. Lors du renouvellement des instances, plutôt que de passer la main au groupe des LOADA dans un esprit de convivialité inter OSC, il avait, pour barrer la route à LOADA et Cie, monté une campagne surréaliste rassemblant un cortège hétéroclite autour de son nom. Manifestement, la CENI n’était pas le creuset miraculeux qui contribuait à civiliser la compétition électorale et faire fraterniser la société civile entre elle et avec les partis politique.
Je me souviens que dans le cadre du comité technique de la communalisation intégrale, l’un des facteurs de risques du processus mentionnait l’impossibilité d’organiser des élections dans les collectivités territoriales en cas de crises. Or il était projeté au moins une dizaine de crises graves pouvant entrainer des démissions collectives au regard de la rudesse des missions locales. La CENI était totalement hors sol et ne voulait même pas entendre parler de telles élections dites « improbables ».
Afin d’amener la représentation nationale à faire évoluer son opinion et envisager un dispositif institutionnel de prise en charge des élections locales, j’avais rencontré l’immense et immortel Joseph Ki-Zerbo en sa qualité de personne ressource d’exception au niveau de l’opposition. Après m’avoir gentiment écouté, il m’a dit textuellement ceci dans son humour incomparable : «la CENI est un morceau viandeux comme dit Hampaté Ba ; pour la restructurer, il faudra mener une bataille de crocs et de griffes acérés ! ».
Effectivement, il était quasi tabou d’évoquer en réunion ou en concertation la problématique CENI. Un rideau de fer a été édifié tout autour de cette institution avec un abondant usage d’arguments mensongers et de théories fumeuses exaltant un mono-normisme à consommation négro indigène.
Parmi les fausses approches, l’on peut mentionner :
Comment se fait-il que dans le cadre du montage de la CENI, la loi établit la chefferie coutumière et les confessions religieuses comme composantes de la société civile ? Depuis quand ce glissement conceptuel a-t-il été agréé et par quelle académie ou organisation internationale ?
Tout le monde sait que la « Société civile » (civil society) remonte à l’Antiquité grecque et était communément appelée «koinonía politikè» ou Société citoyenne par opposition aux classes dirigeantes civilo-militaires qu’on appelait « Autorités chargées de… ou de …. ». Ce concept est aujourd’hui agréé par l’Union Européenne, l’OCDE, les Nations Unies etc… L’Etat burkinabè lui-même, en dehors de la CENI, parle d’autorités coutumières et religieuses.
Les religieux et coutumiers sont des leaders d’opinion mais surtout et avant tout, des autorités incarnant deux types d’Etats : l’Etat religieux et le tradi-Etat.
Un autre mensonge qui perdure est de faire croire que le tripartisme(opposition, société civile et religieux ndlr) est la recette miracle de l’harmonie démocratique et électorale. Pourtant nulle part, la loi n’établit un quorum respectant ce tripartisme. Ainsi un quorum peut être atteint par deux composantes entre elles ce qui est attentatoire à l’esprit même de la loi. Dans une formation collégiale chaque composante est substantielle. Lorsque les commissaires sortent en singleton pour supervision, représentent-ils vraiment l’ensemble du collège CENI ? Est- ce que la prestation de serment consacre chaque commissaire comme simplement membre indistinct de l’organe en gommant l’appartenance et les spécificités de chaque appartenance ? Drôle d’indépendance en réalité. Bref je ne voudrais pas m’appesantir sur les incongruités de la CENI qui est surtout connue comme une puissante machine de redistribution de ressources de sorte que les places sont parmi les plus prisées au sein des partis politiques. Cette mercantilisassions de la fonction de commissaire électorale ne justifierait-elle pas à elle seule l’acharnement forcené à avancer vers l’impasse même quand tous les signaux sont au rouge ?
En tout état de cause, il était notoire que la CENI n’était pas prête et ne pouvait pas être prête dans un contexte unique de toute l’histoire du Burkina Faso. D’où vient alors que cette CENI ait tenu à rassurer sur sa capacité à faire l’impossible ? Je pense personnellement que les membres pris collectivement et individuellement (Newton Ahmed Barry en tête) ont été tétanisés par les enjeux et les défis qui ont surgi devant eux. Un organe administratif aurait simplement élaboré un rapport bien calibré pour évaluer la situation et requérir de l’Etat et du Conseil de surveillance la « conduite à tenir ».
Si la CENI avait, par miracle eu ce courage, peut être aurions-nous tout suspendu (c’était cela ma formule), créé un Conseil exécutif à deux têtes (Kaboré et Diabré), un Conseil législatif transitoire (très mal manœuvré par les députés sortants) et un Conseil des territoires comprenant les maires et PCR. Le Conseil national de défense serait transformé en Conseil de guerre. Si cela avait été fait, le Burkina aurait fait l’économie de beaucoup de tâtonnements à venir. Malheureusement, au lieu de cela on a foncé tête baissée en dépit des avertissements répétitifs (le fiasco de l’enrôlement et du vote de la diaspora est fort significatif à cet égard).
Enfin, il faut convenir qu’après le ministre chargé des Finances, le président de la CENI est devenu le plus grand ordonnateur au Burkina Faso.
Sur un budget total de plus de 90 milliards, sa tâche est complexifiée par le déblocage tardif d’une tranche substantielle ; ce qui exige une vitesse d’exécution supersonique de 75% de l’enveloppe dans un créneau de 3 mois maximum. Aucun autre ordonnateur ou administrateur de crédits n’est soumis à un tel stress financier et comptable. Les failles massives sur la chaine des prestataires (y compris des prestataires stratégiques) ont démultiplié les échecs de la CENI. Les errements de la CENI ne sont pas des erreurs ou des fautes ordinaires ; elles coutent des dizaines de milliards au peuple burkinabé !
Libreinfo.net : Comment expliquez-vous que jusqu’à présent la CENI semblait tenir la route ? On l’a vu avec Barthélémy Kéré.
Je vous dirai en plaisantant que Bathélémy Kéré est un avocat et a des réflexes d’avocat notamment en ce qui concerne la méticulosité de l’enchainement séquentiel des étapes de l’organisation. Mais en vérité, la CENI de 2015 a eu 10 fois moins de défis à affronter. En 2020 s’est posée avec acuité la question de l’intégrité territoriale et même de l’universalité et de la solidarité inter territoriale. Le vote de la diaspora, véritable slogan patriotique, était juste un tuyau crevé mais un authentique filon pour rompre avec l’impécuniosité.
Les deux CENI n’ont pas évolué suivant les mêmes tempos. Si la CENI-KERE a été plus pondérée dans sa gestion quotidienne, celle sous la houlette de Newton Ahmed Barry (NAB) s’est abonnée aux éclats, aux pugilats verbaux et autres kungfu politiques. NAB a apporté sa touche de journaliste par une communication stratégique et opérationnelle fondée sur une sorte de neuro marketing jamais préalablement implémenté dans notre pays. Malheureusement la réputation surfaite de la CENI à l’international s’est retournée contre elle au finish.
Des esprits peu compatissants chargent le seul Newton Ahmed Barry de tous les péchés d’Israël. Pour ma part je maintiens que cet homme l’un des meilleurs chroniqueurs politiques de toute l’Afrique est victime d’un mauvais casting. Il aurait certainement réalisé des merveilles à la tête du CSC. Au lieu de cela, il se retrouve à piloter un gigantesque lupanar institutionnel aux tendances morbides et à l’échafaudage irrationnel.
Libreinfo.net : Que devrait selon vous, devenir la CENI ?
Kalifara Séré: Disparaitre simplement et faire place à une plus grande rationalité institutionnelle et financière. La question d’une administration en charge des élections surveillée par un comité de surveillance des partis politiques est évoquée depuis bientôt 10 ans ! En parcourant mes archives, je note que depuis 2005, un projet d’additif aux curricula de l’ENAM a été élaboré par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation(MATD). Grosso modo il préconise l’introduction dans cette école professionnelle, en collaboration avec sa sœur jumelle de l’ENAREF d’un tronc commun et d’une spécialisation.
Le tronc commun implique les grandes filières de l’Etat impliquées dans la chaine de gestion électorale : administrateurs civils, administrateurs financiers, magistrats, inspecteurs des impôts. Les principaux modules seraient : version de base BRIDGE (Bâtir des Ressources en Démocratie, Gouvernance et Elections), Sciences et techniques administratives du cycle électoral STACE, GFC processus électoral etc…
Pour les corps spécialisés en administration électorale (AC et magistrats) une sur formation de 150heures était suggérée. Je vous donne ces précisions afin que vous sachiez à quel point la problématique de la CENI a été occultée jusqu’à un point de quasi crash collectif.