DECLARATION DE L’INTERSYNDICALE DES MAGISTRATS BURKINABE SUITE AU COMMUNIQUE EN DATE DU 06 MAI 2021 DU MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE ET DE LA DECENTRALISATION
Le 07 octobre 2020, le porte-parole du gouvernement d’alors, se prononçant sur l’exécution d’une décision de justice ayant ordonné la destruction de constructions faites sur un terrain sis à l’arrondissement n°09 de Ouagadougou dans un litige opposant monsieur OUEDRAOGO Jacques à monsieur GUIGMA Moussa, déclarait que le gouvernement désapprouvait, quels que soient les motifs, la destruction d’un lieu de culte.
Par communiqué en date du 17 octobre 2020, le Conseil supérieur de la magistrature disait déplorer« les propos du porte-parole du gouvernement lors du compte rendu du Conseil des Ministres du 07 octobre 2020 relatifs aux évenements de Pazanni en ce qu’ils portent atteinte à l’autorite des decisions de justice. A cet effet, il encourage(ait) le Président du cSM à poursuivre les démarches entreprises auprès de son Excellence monsieur le Président du Faso, garant de l’indépendance de la justice»
Par un communiqué daté du 06 mai 2021, le Ministre d’Etat, Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, monsieur Pengdwendé Clément SAWADOG0, apparemment riche d’une volonté soutenue de récidive et d’une sorte de dédain pour le Conseil supérieur de la magistrature, annonçait que dans Il’affaire suscitée, le gouvernement, fondement pris de ce que la crise née de l’exécution de la décision de justice a affecté le climat social, a pris dans l’intérét de la paix sociale les mesures conservatoires suivantes:
l’expropriation du terrain litigieux pour cause d’utilité publique;
l’attribution dudit terrain à la Féderation des Associations islamiques du Burkina Faso (FAIB) à l’effet de permettre la réalisation de toute infrastructure ou toute activité en faveur de la communauté islamique;
la cession d’un autre terrain à monsieur OUEDRAOGO Jacques, attributaire légal du terrain litigieux, en guise de compensation.
Les syndicats de magistrats déplorent et condamnent avec la dernière énergie une telle attitude qui n’est rien d’autre qu’une remise en cause de l’indépendance et de l’autorité du pouvoir judiciaire et alors même que dans la situation litigieuse concernée, le gouvernement ne pouvait ignorer que :
les décisions, fondement de la démolition, reposent sur un arrêté d’attribution émanant de l’exécutif au profit de monsieur OUEDRAOGO Jacques
il ne peut prétendre qu’il n’était pas au courant de la situation litigieuse et qu’il avait, de ce fait et en toute responsabilité, toute latitude de la régler hors prétoire et avant certaines évolutions s’il le voulait;
le juge a d’abord ordonné la cessation immédiate de tous travaux de construction sur le terrain sans étre suivi par monsieur GUIGMA Moussa: ensuite, il a ordonné son expulsion du terrain; c’est enfin, et dans une troisième décision, qu’il a ordonné la démolition des constructions faites par monsieur GUIGMA Moussa sur le terrain;
Cette décision du gouvernement burkinabè est d’une particulière gravite pour la simple raison qu’il reconnait qu’un citoyen, attributaire légal d’un terrain, a obtenu une décision de justice exécutoire mais que, pour des enjeux qui lui sont propres, il se croit autorisé lui-méme à fouler aux pieds l’autorité de l’Etat et à consolider les actions entravant l’exécution de ladite décision de justice.
Face à une telle attitude juridiquement étrange et qui constitue un grave precedent pour un pays qui se veut un Etat de droit, l’intersyndicale des magistrats Burkinabe interpelle le Gouvernement burkinabè sur sa responsabilité à assurer l’exécution des décisions de justice, gage de l’autorité de la justice;
à garantir la force publique due aux huissiers de justices pour l’exécution des décisions de justice.
L’intersyndicale invite le gouvernement à se ressaisir et à respecter la lettre et l’esprit des lois de la république afin de garantir la pérennité des institutions et l’autorité de la règle de droit.
En tout état de cause, les bénéfices attachés à une telle attitude du gouvernement ne peuvent être durables pour le gouvernement lui-méme dans la mesure où, en cultivant la défiance à l’endroit des décisions de justice, l’heure viendra où le fait pour lui de brandir qu’une affaire est en justice sera inapte à apaiser les ceurs et le climat social au regard des malheureux exemples que lui-même aura donnés. La paix et la justice n’ont jamais été antinomiques dans un pays ou les dirigeants entendent, avec sincérite, entourer les citoyens d’une inexpugnable volonté de bâtir et de bâtir durablement.
Fait à Ouagadougou le 07 mai 2021
P/le Syndicat Autonome des Magistrats Burkinabè (SAMAB)
Le Secrétaire général
Emmanuel S. OUEDRAOGO
P/le Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM)
Le Secrétaire général
Moriba TRAORE
P/le Syndicat des Magistrats Burkinabè (SBM)
Le Secrétaire général
Diakalya TRAORE